De manière générale, la majorité des pays africains jouissent d’un potentiel génétique et biologique formidable qui reste faiblement mis en valeur malgré une volonté nationale manifeste de préserver ce patrimoine commun. Ainsi, il s’agit de rendre visible le capital naturel aux décideurs afin d’accélérer le processus de valorisation et de conservation des ressources naturelles.
Les pays doivent mettre en œuvre le Protocole de Nagoya – qui est un accord international juridiquement contraignant - dans ses cadres réglementaires et institutionnels afin de capitaliser davantage sur les avantages socio-économiques potentiels de ses riches ressources génétiques. Face à la complexité de mise en œuvre du protocole de Nagoya, la valorisation économique de l’APA a un double objectif : d’abord quantifier la valeur économique potentielle des ressources génétiques marocaines, en termes de contribution potentielle à la production économique générée dans le pays, et mettre en évidence les avantages potentiels supplémentaires des ressources génétiques, au niveau local et à l'international. En deuxième lieu, il s’agit d’assurer le renforcement des capacités et la sensibilisation auprès des principales parties prenantes.
Pour se faire deux approches sont préconisées. En premier lieu, l’approche « produits » où le périmètre de l’étude concerne les ressources génétiques issues du pays, notamment les ressources endémiques. Les analyses de l’étude porteront sur la collecte d’études et de données relatives aux ressources définies. L’étude passe ensuite à l’estimation de la valeur économique des activités associées à ces ressources ainsi que l’analyse des effets économiques indirects et induits par des multiplicateurs économiques. En second lieu, l’approche dite « sectorielle » utilise toute une gamme de secteurs utilisant des ressources génétiques et les connaissances traditionnelles qui y sont associées, y compris les secteurs des produits pharmaceutiques, de l’agriculture, de la biotechnologie industrielle, des cosmétiques, des produits botaniques, et des aliments et boissons.
Au cours des deux dernières décennies, les avancées scientifiques et technologiques, les marchés en évolution, et de nouveaux modèles d’affaires et de propriété intellectuelle ont transformé la demande en matière d’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, dans ces secteurs. Par conséquent, le Protocole de Nagoya sera mis en œuvre dans un contexte très différent de celui qui régnait en 1992, lorsque les négociateurs ont signé la Convention sur la diversité biologique (CDB). Le moment est donc propice pour que le Protocole de Nagoya s’adapte à ces nouvelles réalités et intègre les enseignements tirés au cours des vingt dernières années de mise en œuvre de ses politiques d’accès et de partage des avantages (APA).
Il est nécessaire d’adopter une approche basée sur l’analyse des chaînes de valeur des secteurs exploitant les ressources génétiques. Cette analyse devrait identifier les différents maillons permettant la valorisation des ressources génétiques, le positionnement de ces ressources ainsi que leur apport au secteur ou à l’industrie.
La valorisation économique passe essentiellement par une analyse des marchés nationaux et internationaux, basés sur des échanges/ exploitation de ressources génétiques. L’analyse du positionnement et du poids de chaque ressource génétique devrait être réalisé à travers une estimation du marché national de ces ressources ainsi qu’une revue approfondie des échanges mondiaux. Au niveau du marché national, il repose en général sur l’échange et l’exploitation de plusieurs ressources génétiques indispensables pour diverses filières. Au niveau mondial, il est important d’analyser le potentiel de développement à l’international, tout en relevant les nouvelles tendances d’échanges. A titre illustratif, les États‑Unis et l’Europe continuent à avoir les plus grosses entreprises, mais la croissance des marchés dans ces pays a connu un ralentissement aux cours des récentes années. En revanche, les marchés et les entreprises des économies émergentes, tels le Brésil, la Chine et l’Inde, connaissent un essor soutenu.
Il est également à noter que la taille des entreprises exploitant les ressources génétiques varie en fonction de la performance de chaque secteur. Les analyses peuvent porter sur les plus grandes entreprises pharmaceutiques et alimentaires, qui génèrent des revenus annuels dépassant les 50 milliards USD, les entreprises vendant des semences dont les ventes s’élèvent à 7 milliards USD (chiffres indicatifs basés sur des moyennes de secteurs), ou encore les très petites entreprises, particulièrement dans le secteur des produits botaniques. Enfin, il est également important de noter l’intérêt croissant des marchés vers des produits « naturels », « verts » ou « issus du marché équitable ».
Enfin, et de manière générale, il est très important, lors de toute étude sur la valorisation économique de l’APA, de bien comprendre la demande en matière d’accès au niveau mondial pour les ressources génétiques. Dans les industries de haute technologie, comme les secteurs pharmaceutique, agricole et biotechnologique, le besoin d’accéder aux ressources génétiques est moindre que par les années passées, grâce à des prélèvements d’échantillons à grande échelle sur le terrain, mais l’intérêt persiste. Dans les industries de basse technologie, la demande des consommateurs pour des ingrédients nouveaux et naturels est souvent au centre de l’identité et de la commercialisation des produits. Les nouveaux outils de recherche font en sorte que la diversité se trouvant dans les collections existantes des entreprises, particulièrement dans les génomes auparavant inaccessibles des microorganismes, tiendra les chercheurs occupés.